Le chemin vers l'Atlantide
Sopiket, une jeune élève de l'académie Skeelz, passait des vacances d'été paisibles sous l'océan : dès qu'elle le pouvait, elle rejoignait ses semblables, qui vivaient dans les profondeurs les plus sombres, pour leur partager des nouvelles de la surface, et en apprendre davantage sur elle.
Cette créature aquatique, qui avait été libérée par un des professeurs de l'académie aux griffes des terribles Piranas, quand elle était encore bébé, avait été ramenée et élevée au manoir Skeelz. Lorsqu'elle y suivait sa scolarité, au quotidien, elle était équipée d'une sorte de masque de scaphandre, qui était rempli d'eau, car elle ne pouvait pas respirer en dehors. Mais dès qu'elle avait quelques jours de libres elle retournait dans l'océan, et allait dans des profondeurs inatteignables par les humains, pour y retrouver les autres membres de son espèce. Son espèce, les Vivipismaris, était totalement inconnue de tout le monde de la surface. Enfin presque tout le monde : Caelus, le directeur de l'académie Skeelz, les connaissait un peu, par l'intermédiaire de Sopiket, mais n'en parlait jamais, pour éviter qu'ils soient les cibles d'attaques de la part d'autres clans, et puissent être convoités. Les Vivipismaris étaient des poissons à la forme humanoïde, dont le corps émettait une faible lumière, ce qui leur permettait de voir malgré l'obscurité totale des profondeurs. Ils n'avaient pas de cité, ils s'étaient établis dans une grotte de roche, et se nourrissaient principalement des algues qui poussaient sur les parois de leur demeure. Une existence simple, ils vivaient en paix et en harmonie avec les autres créatures de leur territoire, et leur objectif de vie était de protéger leur habitat et leur espèce. Sopiket, quand elle les rejoignait, devait porter une combinaison et un émetteur de lumière. Son développement à la surface, à l'académie Skeelz, s'était adapté à son environnement : ainsi elle était habituée à la lumière du soleil, et avait du mal à voir dans les profondeurs dans lesquelles vivaient les siens ; et son corps, habitué aux températures douces, avait du mal à résister au froid qui y régnait.
Un jour, après un bon repos, Sopiket se réveilla et alla manger quelques algues avec les autres. Une de ses amies lui annonça qu'au cours d'une promenade, avec quelques autres Vivipismaris, ils avaient trouvé un passage, qui s'étendait semblait-il assez loin, et était peut-être le chemin vers l'Atlantide : cette cité légendaire, dont l'existence était transmise de génération en génération, était le lieu originel de leur espèce, et contenait une multitude de trésors. Après quelques minutes de discussions, Sopiket et trois amis décidèrent d'aller au passage, et de tenter de l'explorer. Ils mirent une dizaine de minutes pour s'y rendre.
L'ouverture était grande, le corail qui y poussait leur était inconnu, et les quelques poissons qu'ils y rencontraient se sauvaient en les voyant. Ils progressaient tous les quatre à l'intérieur, examinant tout ce qui était nouveau pour eux, lorsqu'un requin apparu. L'animal totalement blanc, grand de deux mètres de long et avec des dents très menaçantes, s'arrêta brusquement lorsqu'il aperçut les Vivipismaris. Puis, au bout de quelques secondes, il s'élança vers eux en ouvrant grand sa mâchoire : ils se dispersèrent tous les quatre pour fuir.
Le requin prit en chasse Sopiket, qui nageait le plus vite possible. Elle prit au hasard un passage, qu'elle aperçut du coin de l'œil un moment, mais l'animal ne comptait pas la laisser s'enfuir. Elle nageait de passages en passages, ne sachant où elle était, et où elle allait : Sopiket espérait simplement lui échapper, notamment en trouvant un endroit trop petit pour qu'il puisse la suivre.
Après des minutes de fuite, à nager, Sopiket arriva à un cul-de-sac. Elle se retourna : elle était prise au piège, et le requin lui fonçait dessus. Elle se baissa au dernier moment et le requin fonça, tête la première, contre une paroi. Il se cogna si fort qu'il perdit connaissance, deux de ses dents s'étaient cassées, et du sang coulait de son museau. Sans prendre de risque, Sopiket s'enfuit.
Elle était perdue, elle ne savait pas où elle se trouvait. Elle appela à l'aide. Personne ne lui répondit. Elle se mit à nager, au hasard, en espérant retrouver les autres.
Après deux heures à progresser, perdue au milieu de galeries rocheuses, elle tomba sur quelqu'un. Il était équipé d'une combinaison et d'un scaphandre, et une grande créature verte et luisante s'était accrochée à lui, le tenant par des tentacules au niveau des bras et de sa taille, et reposant son corps sur sa tête et son dos. Il transportait différents coffres, et avançait à la lueur d'une lampe. La personne s'immobilisa en voyant Sopiket.
- Doucement, petite créature, je ne te veux pas de mal.
- Vous êtes qui ? Et vous faites quoi ici ?
- Kousto ne te veut aucun mal, du calme.
Il envoya de toute ses forces un coffre vers Sopiket, qu'elle esquiva sans problème. Elle se rapprocha de lui, pour tenter de voir son visage : le scaphandre ne laissait rien apercevoir, mais elle reconnut l'emblème du clan Piranas.
- L'agressivité est bien un fondement de votre clan !
- Tiens donc, une élève Skeelz. Qu'est-ce que votre école fait dans le coin ?
- Et en quoi ça vous regarde ? Ce n'est pas trop profond pour vos pillages de trésors ?
- Bon, ce n'est pas que tu m'ennuies, mais j'ai du travail. Allez, ouste !
- Ils viennent d'où, ces coffres ?
Alors que la créature s'illuminait et poussait un cri, Kousto fonça sur Sopiket. Celle-ci s'éleva, et nagea légèrement pour prendre de la hauteur. Le poids du scaphandre, de la combinaison et de la créature empêchait Kousto de l'atteindre, alors il se mit à courir : Sopiket s'élança à sa poursuite. Il allait étonnamment vite : la créature devait l'aidait à se déplacer, en nageant elle-même.
Après un long moment de course-poursuite, au travers d'un chemin qui remontait progressivement, ils débarquèrent dans une clairière sous-marine où se trouvait une corde, très certainement attachée au bateau Piranas, au bout de laquelle était reliée une grande caisse.
- Mais tu vas me laisser tranquille, la bête !
Kousto envoya sur Sopiket un autre coffre : elle l'attrapa, tournoya sur elle-même avec, et le relança sur lui. Mais au moment de le lâcher, le coffre s'ouvrit : il laissa apparaître énormément de dents pointues, et une multitude de tentacules, dont l'un attrapa le bras de Sopiket. Elle fut entrainée malgré elle jusqu'à Kousto, qui fut saisit et immobilisé : le coffre déploya d'autres tentacules pour tenter de bloquer Sopiket, pour éviter qu'elle prenne la fuite, mais elle réussit à libérer son bras et prit de la distance.
- Miam miam, dessert !
- Mais c'est quoi ce truc ?
- Je ne suis pas un truc, je suis Carnibox le coffre infernal ! Ignare ! J'espère que tu es appétissant !
- Au secours, aidez-moi !
Le coffre entraîna doucement Kousto vers sa gueule, pour le dévorer. Sans réfléchir Sopiket fonça sur lui pour tenter de le libérer. Carnibox projeta du slime vers elle, qu'elle évita. Elle donna des coups de nageoires sur le haut du coffre, le plus fort possible, mais il ne semblait ressentir aucune douleur, aucune gêne. Alors qu'il était sur le point d'avaler Kousto, une énorme baleine arriva, en nageant très rapidement, et fonça sur eux. Carnibox lâcha l'homme pour se refermer, pour se protéger. Sopiket nagea sur le côté, tandis que Kousto était tombé au sol, inerte.
La baleine ouvrit grand sa gueule, avala le coffre, et repartit.
Après avoir regardé la baleine repartir, le regard de Sopiket se retourna vers Kousto : il était toujours étendu au sol, inerte, et énormément de sang sortait de sa jambe. Elle s'approcha légèrement du corps, qui ne bougeait pas.
- Kousto ? Tout va bien ?
Aucune réponse.
Tout à coup le corps, sous l'impulsion de la créature, se releva. Kousto hurlait de douleur, gigotait, mais ne pouvait rien faire : la créature avait déployé davantage de tentacules autour du corps du Piranas. La vitre du scaphandre se brisa, et la tête de l'homme fit un mouvement rapide de gauche à droite, avec un bruit sans équivoque : sa nuque venait d'être brisée. La créature s'illumina, tout en insérant des dents qui faisaient davantage saigner le corps.
- Kousto ?
- L'ancien Kousto était faible et lâche. Maintenant que j'ai le contrôle, les choses vont changer.
- Pardon ?
La voix, qui provenait du scaphandre, était très grave et grandement intimidante.
Sous l'impulsion de la créature, le corps de Kousto bougea et tenta d'attraper Sopiket, en vain. Après différentes tentatives, Kousto s'arrêta.
- Comment se fait-il que tu sois en vie ?
- Vous voulez dire quoi ?
- Nous avons exterminé ton peuple il y a des milliers d'années, tu ne devrais pas exister. Il y en a d'autres, comme toi ?
- Comment ça exterminé ?
La créature attaqua à nouveau. Alors que les bras de Kousto tentaient de l'attraper, la créature libéra différents tentacules pour tenter, également, de la saisir. Sopiket nagea dans tous les sens, évitant les tentatives de prises, et en tentant de toujours garder une bonne distance.
- Je ne gagnerai pas cette fois, semble-t-il. Nous nous reverrons !
Kousto monta dans la caisse et tira un coup sec sur la corde, qui remonta aussitôt. Sopiket voulut le poursuivre, mais il lui jeta un coffre qui vint la heurter en plein ventre, qui l'empêcha de le poursuivre, et lui fit perdre de la distance. Elle abandonna l'idée, redescendit au sol, et ouvrit le coffre : il contenait de l'or, des pierres précieuses, et une étrange amulette représentant la tête d'un loup. Elle referma le coffre, et l'emmena avec elle.
Au fur et à mesure qu'elle nageait, elle reconnaissait les fonds marins dans lesquels elle débarquait, et n'eut aucun mal à retourner dans la cachette des Vivipismaris.
Une fois arrivée elle leur raconta son aventure. Les autres étaient perplexes à l'écoute de son histoire : ils étaient ravis de savoir que leur cité originelle existait, et ils étaient excités à l'idée de la découvrir, mais ils étaient inquiets de savoir qu'ils devaient être, selon une créature, une espèce éteinte.
Combien d'autres créatures de la sorte existaient ? Était-ce dangereux d'atteindre l'Atlantide ? Quels autres trésors s'y trouvaient ? D'autres membres de leur espèce pouvaient se trouver ailleurs ?
Plusieurs questions que les autres lui posaient, mais auxquelles Sopiket ne pouvait pas répondre, pour le moment. Il était trop dangereux pour y aller, pour s'y risquer, et il valait mieux abandonner l'idée de trouver l'Atlantide pour le moment. Elle préférait en discuter avec le directeur de son école, qui était une personne sage, et avoir ses conseils.
D'ailleurs, la fin des vacances s'annonçait : en regardant sa montre, elle s'aperçut que sa rentrée scolaire devait se dérouler moins de vingt-quatre heures plus tard. Elle dit au revoir à ses amis, à ses semblables, et partit.
Elle remonta jusqu'à la surface de l'océan, puis se dirigea vers une petite île : il s'y trouvait sa cachette, une petite maison dissimulée au milieu de quelques arbres, contenant ses affaires.
Une fois arrivée elle changea de tenue, et s'équipa du casque de scaphandre pour ne pas suffoquer. Puis elle monta dans son bateau à moteur, pour retourner à l'école.
Sur la route elle vit, de loin, une barque à la dérive. Elle s'en approcha, et aperçu le corps sans vie de Kousto, toujours équipé de la combinaison et du scaphandre.
Où était passée la créature ? Était-elle retournée à la cité de l'Atlantide ?
Elle préféra ne pas perdre de temps, éviter de croiser la créature qui pouvait revenir d'un instant à l'autre, et continua sa route.