En Place (saison 1)

14/02/2023

Avant de faire la critique de la série, une fois n'est pas coutume, je voudrais passer un message important à l'attention de l'équipe qui a travaillé sur cette série, et aux personnes qui sont réceptives au message véhiculé par cette création : continuer de montrer des blancs uniquement dans nos campagnes, seulement des noirs et des arabes en cité, et donc continuer de dresser des barrières entre des personnages qui sont tous français, est une bêtise absolue. Au lieu de maintenir les esprits dans une France divisée, le rôle de nos cinéastes, réalisateur et scénaristes notamment, serait de bon ton de réunir les gens malgré leurs différences, leurs origines, de montrer un peuple totalement français et inviter les gens à s'accepter et s'aimer pour promouvoir une nation unie, qui va de l'avant. Que chaque communauté sorte de ses préjugés, de son confort, pour s'ouvrir aux autres, de trouver des compromis pour que tout le monde puisse vivre ensemble en mettant ses croyances et ses idées de côté pour bien vivre avec tout le monde, et chercher à construire une France qui est, à l'heure actuelle, ne se comprend pas et reste campée sur diverses positions. L'ambition, l'audace, manque clairement dans le paysage français, et c'est dommage.

Cette série sortie le 20 janvier 2023 sur Netflix, créée par Jean-Pascal Zadi et François Uzan, met en scène le personnage de Pascal Blé, éducateur de banlieue, qui va avoir un échange avec un candidat au premier tour de l'élection présidentielle, une altercation qui va être relayée par les médias et le révéler à la France, et va devenir candidat lui-même à l'élection présidentielle en France. Il s'agit d'une comédie qui se veut clichée (trop clichée hélas), avec les habitants des quartiers constamment victimisés, et les campagnes racistes : on nous sort le manque de mixité sociale, le décalage total entre « français de souche » et « français issus de l'immigration », et cette série continue de décrire et placer des barrières entre les deux. Au-delà d'une comédie c'est surtout une série militante, une série engagée, pour donner un coup de projecteur sur les banlieues qui ont du mal à s'en sortir malgré la classe politique qui fait des paroles en l'air. Le contexte, le tableau dépeint, est connu et archi connu, aucune surprise, et au lieu de bousculer les codes et pourquoi pas tenter d'idéaliser ou de proposer une histoire originale, elle se contente de décrire un quotidien qui est connu depuis longtemps. Mais se pose alors un problème : dans cette saison on décrit un quotidien terne, sans prendre de risque, mais si une saison 2 est vouée à sortir, elle se devra d'être ambitieuse, créative, pourquoi pas « fantasmée » et ça risque de créer un décalage trop grand avec son œuvre de base. Faisons un point sur cette création qui contient, malheureusement, plus de mauvaises choses que de bonnes.

Tout d'abord, au niveau du scénario, c'est plutôt mauvais. Mettre en image les élections présidentielles d'un point de vue banlieusard, et faire devenir candidat une personne venue de nulle part, est une idée originale qui a clairement sa place à l'écran, mais ça manque trop de crédibilité. Cette série est un cliché, une série de clichés même (c'est voulu et assumé) mais j'aurais aimé quelque chose de crédible, de plausible : le personnage principal parle de « rêver grand », il aurait été de bon ton de pouvoir réellement faire rêver grand les personnes oubliées de la république, au lieu de faire une simple comédie avec un fond trop porté sur la victimisation des cités. Car effectivement on comprend aisément les clichés du banlieusard et de son entourage, des candidats à la présidentielle dont les idéologies sont portées au plus loin dans le ridicule, et ces clichés poussés au plus loin possible sont nécessaires pour justifier l'intégration des personnages dans certaines situations, mais faire un fond moins victimisant et plus positif aurait été de meilleur ton. Si une saison 2 doit sortir, et donc qu'on passe au mandat de Pascal Blé, j'espère que le fond sera plus intéressant (la forme, si elle reste dans la même veine, peut être intéressante selon les situations). Au passage, on peut noter qu'on nous a ramené dans cette série un Eric Judor des années fin 90, le Aymé Césaire de la série « H » : ainsi on nous démontre que cette série aurait pu être réalisée au début des années 2000, on voit donc que le contexte social des personnes vivant en banlieue n'a pas évolué depuis plus de vingt ans, et c'est un frein incontestable pour tenter de faire évoluer les mentalités et inviter tout le monde au « mieux vivre ensemble malgré nos différences et nos origines » !

Ensuite, au niveau des personnages, la série est très inégale. Le personnage de Stéphane Blé, interprété par Jean-Pascal Zadi, est clairement le plus travaillé (est-ce son auto-promotion d'acteur qui est mise en avant ?), mais est décevant sur un point : il est naïf, pas malin, mais ses moments de lucidité ne sont pas suffisamment explicites et forts pour apporter un fond intéressant à cette comédie (qui en manque cruellement). Eric Judor nous sort le même humour qu'il y a plus de 20 ans, quelque chose qui, je trouve, ne fonctionne plus aujourd'hui, et ça nuit clairement à la crédibilité de son personnage qui se veut manipulateur et intelligent, et qui est trop ridicule hélas. Fadily Camara tient un rôle assez sérieux qui contrebalance bien avec le trop de blagues, Jean-Claude Muaka est excellent car son personnage est exactement la porte d'ouverture vers les situations loufoques et est très bien écrit, Saabo Balde interprète la défense du jeune de banlieue qui a un contexte familial chaotique (j'aurais aimé plutôt voir un jeune bien en famille mais avec d'autres soucis), et Souad Arsane tient parfaitement la représentation de la femme voilée intègre, intelligente et travailleuse, qui est là pour « normaliser » le port du voile dans la société française (et je trouve que c'est dommage de prendre part dans ce sujet de société qui divise énormément les français).

Enfin, au niveau des situations comiques et sympathiques, la série est parsemée de très bonnes choses comme de très mauvaises. Dans les bonnes idées, on a par exemple l'élaboration du slogan de campagne (avec la touche comique de Mo), l'improvisation du gospel devant l'église, ou encore le clip sur Marianne. Mais en contrepartie on a de très mauvaises situations, comme le tir au fusil du raciste des campagnes sur Stéphane, ainsi que le débat d'entre-deux tours avec cette personne afghane non voyante et torturée (notamment l'intervention de William qui crée un malaise dans la série, aussi bien dans le contexte que d'un point de vue spectateur).

Je mets une note de 1.5/5 à cette série : des clichés poussés à l'extrême, des blagues qui viennent tout droit du début des années 2000, le scénario se veut décrire le système en place et figer les français dans une situation qui les divise, au lieu d'avoir une vision optimiste et chercher à briser des barrières, des codes, des préjugés, et aller de l'avant. On a clairement un manque de goût grossier, destiné aux habitants des cités seulement qui, au passage, méritent mieux que ça. Mais tout n'est pas à jeter dans cette série car certains personnages sont bons, avec de bonnes idées de situations comiques, des mises en scènes plutôt bonnes et des musiques judicieusement choisies. Et Si une saison 2 doit venir, il va falloir revoir pas mal de choses (en conservant une base d'acquis qui n'est pas totalement à jeter) pour produire une comédie française intéressante.

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